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17 May

« Les fêtes du Mouloud en Algérie. »

Publié par Ph. Rinjonneau photographe auteur  - Catégories :  #Mouloud, #Algérie, #fête du mouloud, #Rinjonneau, #photo algérie, #photographe algérie, #photographe français en algérie

« Les fêtes du Mouloud en Algérie. »

« Les fêtes du Mouloud en Algérie. »

http://ph.rinjonneau.over-blog.fr/album-1478843.html

Algérie, Mars 2009.

Après dix huit heures de bus sur la route du sud, entre Oran et Adrar, je suis débarqué à Beni Abbes. C'est une petite ville de la Wilaya de Bechar, blottie au bord d'une oasis en forme de scorpion. Une ville menacée par le sable du grand Erg occidental, les pieds dans l'eau d'un Oued, la tête au soleil, les cheveux ébouriffés par les violents vents de sable brûlants. C'est ici que j'assiste l'Aïd al Mawlid (Fêtes du Mouloud), l'anniversaire de la naissance du prophète Mohamed, une sorte de Noël à l'algérienne.

Aux sons des pétards que les garçons font exploser près des passants, toute la ville prépare les festivités du soir et des jours à venir. La célébration du Mouloud commence dans la mosquée, par une nuit de prières (les Douaa) et de lecture de textes (les Hizb) du Coran. N'étant pas Musulman, je n'en verrai rien.

Le lendemain matin, les garçons de moins d'un an sont rassemblés sur la place du village, pour une grande bénédiction autour de prières aux awliaa salihines, une sorte de baptême (El fdila). Le recueillement solennel se fait discrètement, le calme avant la tempête.

Rapidement l'ambiance bascule dans une liesse joyeuse. Les enfants font place aux adultes. « La ilah ila Allah.... » Aux sons des tambours (Bendoun, Tara et Bendair) et des détonations de tirs, des fantômes blancs aux lunettes noires, cramponnés à leurs tromblons, s'adonnent à un rituel guerrier. Leurs vieux fusils, parfois rafistolés par des bouts de ficelles, sont chargés à la poudre noire. Ils crachent des flammes dans une odeur âcre et un bruit fracassant. Ils scandent d'une seule voix la profession de foi des Musulmans. La chorégraphie est précise. Ensemble ils tirent vers le sol, sous l'œil expert d'un maître de cérémonie. Il guide la gestuelle avec son arme, comme un chef d'orchestre bat la mesure avec sa baguette.

La grande spirale ainsi formée s'enroule dans la place du village et part en procession dans les ruelles, en direction du vieux Ksour, la partie antique. Après avoir réitéré leur cérémonie, les hommes se dispersent doucement, laissant encore entendre quelques tirs sporadiques, qui déchirent le calme revenu dans l'oued.

Tirer à blanc aux pieds de la foule, sans aucune pitié pour nos tympans et nos chevilles, est l'un de leurs jeux préférés. Une façon également de se frayer un chemin quand l'assistance tarde à s'écarter. Les femmes, les enfants et quelques adultes téméraires en font la malheureuse expérience, mais au dire des villageois, si Allah le veut, c'est que c'est bon pour eux. Mes oreilles sifflent et bourdonnent, à croire que mes tympans ont éclaté.

Une semaine plus tard, dans la région de Timimoun, chez les Zénètes, les festivités recommencent. Car dans cette région, les anniversaires se fêtent deux fois, c'est l'Assaba, le Sbouu, le septième jour.

Depuis une semaine, les drapeaux des saints de chaque village de la région se sont réunis dans les villages de Zaouiat Sidi Belkacem et Timimoun. Deux grandes processions de nombreux drapeaux (El Alma), partent des mosquées de ces deux villages mitoyens. La rencontre des deux groupes ainsi formé, se fait au milieu de la vallée qui les sépare, dans le trou (El Hofra). Lieu symbolique où les tribus rivales s'affrontaient.

Des milliers de personnes séparent les deux processions. Un défi pour les porteurs de drapeaux, qui doivent traverser cette marée humaine pour se rejoindre.

Après une longue heure de bousculades, le face à face a enfin lieu. Il ne doit en aucun cas s'éterniser. Juste le temps pour chaque groupe de croiser les drapeaux respectifs, à défaut du fer, et une fuite frénétique en arrière est engagée. Gare à ceux qui ne s'écartent pas sur leur passage.

La nuit reprend possession de la vallée, ramenant les pèlerins chez eux, rassurés dans leur foi.

Il y a longtemps, la stabilité tribale de la région semblait dépendre de cet instant. Il aurait été de mauvais augure que les choses se passent différemment. Aujourd'hui, ce rite païen sert a fêter l'anniversaire du prophète et les saints des villages environnants.

La République a unifié sur les cartes ces nombreuses tribus et groupes religieux.

Ils sont censés, au-delà de leurs différences, être rassemblés autour d'une seule identité et interprétation du Coran. Mais ces fêtes où se côtoient des morphologies, des niveaux et des façons de vivre différentes, me laissent penser qu'il n'en est rien. Ici a Timimoun, l'ancienne porte du Soudan, les algériens venu du nord pour célébrer les fêtes du Mouloud me paraissent aussi étrangers que moi.

© Ph. Rinjonneau – 2008-2009

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